« Porter l’architecture à son terme »

06/05/2015
  • Innovation Design
En quoi consiste le métier d’architecte d’intérieur?

Nous disons fréquemment que ce métier consiste à porter
l’architecture à son terme, c’est-à-dire à porter la réflexion le plus loin possible sur les usages, les parcours,les sensations à l’échelle de l’utilisateur, de l’individu. Ce métier est un métier de conception-création et de maîtrise d’oeuvre.

Quelle est la différence entre architecte DPLG et architecte d’intérieur?

Une notion d’échelle et d’abord du bâtiment : l’architecte se positionne sur un terrain, l’architecte d’intérieur sur un volume intérieur. Si l’architecte et l’architecte d’intérieur se forment sur des socles assez communs (construction,sciences humaines, histoire de l’art, de l’architecture...), la formation d’un architecte d’intérieur s’appuie sur ce que l’on appelle les arts appliqués : dessin, graphisme, design, approche sensible des matériaux à travers des temps, plus
ou moins importants selon les écoles, de pratiques d’ateliers. La pratique fait aussi, comme dans tout métier, la différence. Appréhender un volume par son intérieur nécessite
des compétences et une sensibilité très différentes qui s’aiguisent avec l’expérience.

Comment devient-on architecte d’intérieur? Quelles sont les formations diplômantes reconnues par l’État?

Cette question est plus complexe qu’elle en a l’air. Si l’on se réfère au répertoire national des certification professionnelles,on trouve un certain nombre de diplômes reconnus par l’État de niveau I et II et nous encourageons les écoles membres du Conseil français des architectes d’intérieur (CFAI) à obtenir le niveau I. Aujourd’hui le ministère de la Culture et le ministère de l’Éducation nationale semblent avoir abandonné la dénomination « architecte d’intérieur » pour la remplacer par celle de « designer d’espace ». Il s’agit, je pense, de motifs essentiellement pédagogiques. Sur le plan professionnel, cette nouvelle dénomination crée beaucoup de confusion et éloigne l’architecte d’intérieur du monde du bâtiment auquel il est pourtant confronté en permanence dans l’exercice de son métier.

Quelles sont les responsabilités d’un architecte d’intérieur?

À peu de choses près, les mêmes que celle d’un architecte. On identifie trop souvent l’architecte d’intérieur au décorateur. Pourquoi pas ? À ceci près que les responsabilités de l’un et de l’autre sont très différentes. L’architecte d’intérieur est tenu d’être assuré en responsabilité civile décennale et dans 95 % sur les structures, le clos et le couvert.

Quelle est la différence entre un architecte d’intérieur et un agenceur?

Encore faudrait-il s’entendre sur la définition du concept d’agenceur. Je connais des agenceurs qui sont des menuisiers et qui « agencent » soit à partir de la demande d’un client, soit de celle d’un maître d’œuvre. Dans ce cas, la différence est simple, l’agenceur est un menuisier au sens traditionnel. J’en connais d’autres pour lequel agenceur correspond à un concept d’entreprise tous corps d’état de second œuvre. Si vous posez la question ainsi c’est que vous pensez qu’il y a recouvrement entre les deux professions, ce qui est le cas lorsque l’agenceur dispose de son propre bureau d’études et qu’alors il répond à des marchés à la fois comme concepteur et comme exécutant. La différence est que, selon la vision du CFAI, un architecte d’intérieur ne sera jamais un exécutant. Même si ces deux métiers se doivent une grande proximité, je considère qu’il est sain que le prescripteur ne soit pas le vendeur. C’est aussi, vis-à-vis de la clientèle, une façon de valoriser la prestation de l’un et de l’autre.

Comment se déroule le dialogue entre un architecte d’intérieur et un agenceur?

Tout dépend de la personnalité et des savoir-faire de l’un et de l’autre.

Quelles sont les étapes qui caractérisent leur collaboration?

Tout dépend des agences et de la nature des projets. Disons qu’il y a l’étape de la consultation, puis celle de la collaboration, car les architectes d’intérieur sont très sensibles aux savoir-faire et sont à l’écoute de la suggestion dans la mesure où celle-ci promeut le sens de la qualité.

Côté fournisseurs, l’architecte d’intérieur prescrit les matériaux et les produits et l’agenceur exécute ou bien l’architecte d’intérieur fait confiance à l’agenceur?

Si je parle pour moi, je m’efforce toujours d’être précis dans mes prescriptions et c’est sans doute là que s’exerce la spécificité de l’architecte d’intérieur. Car les matériaux prescrits le sont intentionnellement et au service du « discours » du projet. Cela n’écarte nullement l’agenceur, mais cela permet au moins de travailler ensemble sur une base concrète et oblige chacun à justifier des propositions.

Pouvez-vous me citer quelques une de vos dernières réalisations et me parle concrètement du travail que vous avez fait pour chacune d’entre elles?

J’ai récemment rénové l’espace VIP du Zénith de Nancy. Pour ce faire, j’ai dû agrandir l’espace antérieur, très sommaire, pour le faire passer de 90 à 200 m2 avec un budget calculé par le maître d’ouvrage au centime près et un délai tout aussi strict, car la réouverture du Zénith avait été programmée à l’avance avec des dates très précises. Pour répondre à ces contraintes, j’ai associé la dizaine d’entreprises intervenantes : agenceur, électricien, spécialiste du plafond, etc. dès le début du projet. Cela m’a permis de parler de technique en temps réel et d’avancer sur des propositions très bien cernées. L’expérience a été très intéressante. Les entreprises ont pu mesurer le travail réalisé par l’architecte d’intérieur au niveau de la conception, de la communication avec le client, etc. Nous avons pu livrer, dans les délais impartis, un espace VIP composé de « nappes » de lumière confinant l’espace en hauteur et permettant de recréer une échelle dans un espace ouvert au sein d’un bâtiment
industriel dont les volumes se prêtent assez peu à l’esprit lounge. J’ai complété l’aménagement avec un peu de mobilier de café-bar-restaurant et des canapés composables proposant différentes positions d’assises, ce qui nous a permis d’optimiser les coûts. Quelques éléments comme le velours rouge, le lustre en cristal, les capitons viennent suggérer, non sans malice, l’idée d’un luxe un peu kitsch et désuet. La qualité du projet se situe souvent dans son équilibre global. Je suis aussi intervenu récemment dans les locaux d’une usine et une maison particulière à Metz (Moselle).

Propos recueillis par Alice Heras, revue "l'agenceur"